De la Guerre et de la responsabilité

Je regardais une vidéo de dénonciation sur les atrocités faites pendant leur guerre avec la Corée du Sud. Le Japon ne reconnaît toujours pas les actes décrits et refuse d’admettre ce qui a était fait.

Personnellement, je pense que le Japon n’a pas besoin de s’excuser, ni les Allemands, ni les pays en guerre aujourd’hui. S’excuser à titre individuel a un sens, un pays qui s’excuse, c’est un travail de mémoire et ça n’a pas grande valeur autre que symbolique. Ainsi, les plus cyniques des individus ou États pourront hypocritement s’excuser alors qu’ils n’ont en réalité aucune sincérité.

Le travail à faire n’est pas au niveau de la mémoire, il est au niveau personnel. Les exemples d’atrocités, il y en a aujourd’hui, il y en a eu et il y en aura tant qu’on n’acceptera pas en tant qu’individu que nous avons en nous tous le meilleur et le pire.

Tant qu’en tant qu’individu, on continuera à se dépeindre comme le héros de notre propre histoire, il y aura toujours des abominations. Qu’on oublie l’exemple du Japon ou pas n’est qu’un détail. Un seul exemple suffit pour tirer les leçons de son enseignement. Cependant, tant qu’on n’a pas compris, les erreurs se répètent. Le monde est bien fait, parfait comme il est. Designé pour apprendre. Les leçons que l’on n’a pas apprissent se présentent sempiternellement devant nous.

Mes amis allemands se sentent souvent honteux de ce qu’ont pu faire leurs ancêtres. Depuis petit, on leur rappelle sans cesse à quel point, il faut qu’ils se repentissent de quelque chose qu’ils n’ont pas commis personnellement. Mais combien de Français regrettent les actes de Pétain et de son gouvernement ? Combien de Français regrettent la mise en place et l’exploitation du marché triangulaire ? Combien d’Africains regrettent d’avoir vendu leur propre peuple dans le cadre de ce même marché ? Combien d’Anglais regrette l’expansion coloniale et le traitement fait aux Indiens ? On ne peut pas passer son temps à regretter, se sentir honteux de tel ou tel détail historique du passé ou encore se sentir honteux des actes commis à l’instant même dans les 4 coins du monde. Tout comme on a aucun droit de se sentir fier des bonnes choses que l’humanité a produites. Tous “responsables, mais pas coupables”. Se flageller sur le passé ne changera pas le futur ou le présent.

Tous ses événements ne nous apprennent rien sur les pays qui les ont engendrés, ni sur les individus qui les ont exécutés. D’un point de vue macro, l’étude des conditions qui les ont mis en place et des phénomènes psycho-socio qui les ont rendus possibles peut nous donner une “recette” pour les répéter ou les détecter. D’un point de vu micro, on apprendra que l’humanité est capable du pire. L’humanité, c’est toi, moi, la voisine avec son petit chien, ta grand-mère avec ses cheveux décolorés, ton ami militaire qui part au Mali pour défendre son pays, le djihadiste qui part défendre une « certaine vision » de l’Islam. Humain, tu as de multiples visages, celui du fou, celui du sage.

Tant que chaque individu ne combattra pas ses propres démons et n’aura pas compris que nous sommes tous des nazis, des violeurs, des djihadistes, des pédophiles en puissance, il y aura des abominations. Il y a des pédophiles* qui jamais ne toucheront un enfant, il y a des psychopathes** qui jamais ne tueront et il y a des hommes et des femmes “lambda” n’ont prédisposés physiologiquement*** à de telles atrocités qui un jour passeront à l’acte parce qu’ils auront été conditionnés psychologiquement à le faire sans recul, sans réfléchir.

Tant qu’on n’a pas intégré nos démons et nos anges, tant qu’on n’aura pas fait de choix et qu’on n’aura pas compris que les choix se font et se défont à chaque instant et à chaque inspiration et à chaque expiration… Il y aura des atrocités. Il est tellement plus simple d’abandonner sa conscience, de laisser les autres décider pour soi. Il est tellement plus simple d’être un zombie, consommateur, producteur, acteur d’une vie qu’on n’a pas choisie. Subir sa vie est un choix. Les individus qui ont pris part aux atrocités du passé et qui continuent de les perpétrer, c’est toi, c’est moi, c’est nous. On ne se rend pas compte de tout le bien qu’on fait autour de nous et on ne se rend pas compte de tout le mal qu’on fait autour de nous, à chaque instant.

On ne voit la vie qu’à travers nos yeux, on ne ressent qu’à travers nos émotions. Persuader d’être les héros avec les meilleurs principes, la meilleure morale, on n’est jamais les méchants de l’histoire. Tant qu’on ne vaincra pas cette dissonance cognitive qui justifie tous nos “actes de bien”. Il y aura des atrocités. Il te faut intégrer que le prisonnier repenti a très certainement plus de lucidité sur sa nature humaine que toi qui me lis.

Espérer que l’humanité atteigne un tel niveau de conscience est vain. Seuls ceux qui ont l’éducation, le temps et les relations atteignent ce « stade ». Peut-être que toi qui me lis, tu as du mal à imaginer que tu puisses être la pire des ordures sur cette Terre et en même temps le plus parfait des anges… C’est peut-être même impossible pour toi de le concevoir. Alors imagine celui qui meurt de faim qui se bat pour survivre avoir le temps de faire cet effort de réflexion que tu ne fais pas toi-même ? Imagine celui qui est entré dans l’Armée et qui répond aux ordres ? Parfois, il n’y a juste pas le temps de réfléchir et qui dit que si tu prenais le temps de réfléchir, tu réfléchirais dans la bonne direction ? C’est pour ça qu’il y a des chevaux de trait, des tortues et des aigles.

Le cheval de trait exécute les yeux fermées, la tortue ne voit rien et se repli sur elle-même, l’aigle a le temps de voir, mais ne fait pas grand chose. Chaque attitude est un choix personnel et les chevaux de trait peuvent faire le choix des aigles qui les aiguillent sur leur parcours. Le pouvoir des « aigles » est tel qu’il est facile de voir les aigles être corrompus par leur propre nature humaine et leur impossibilité de se remettre en question eux-mêmes. Et si on choisi un aigle pour nous assister dans notre parcours parce qu’on a l’intime conviction qu’il est celui qui fera les bons choix pour nous. Rien ne dit que demain, lorsqu’il aura le pouvoir sur nos chemins de vies, il continuera de faire les bons choix pour nous. On n’a pas le temps d’être vigilant si on est un cheval de trait et la tortue qui s’est repliée sur elle-même est inutile dans le schéma du monde.

Le monde est tellement complexe, les statuts se font et se défont, comme les idéologies, les modes, les tendances, les alliances, les contrats de confiances… Tout est temporaire. Alors de façon sporadique, il y a des atrocités… C’est inacceptable pour ceux qui regardent avec le recul, mais dans l’action, c’est ce qui semblait être nécessaire aux bourreaux exécuteurs d’une idéologie qui souvent les dominent et les dépassent.

On se dit que nous “on ne le fera jamais” et c’est là qu’est le piège. Vous le ferez vous aussi, toujours. Vous le faites déjà. Demander aux autres de se repentir sans se repentir soi-même, c’est une demande vaine. Pourquoi le peuple japonnais aurait à s’excuser alors que nous participons chaque jour pour notre unique intérêt personnel à la destruction de ce qui permet à l’humanité de survivre. Je pense que le pire des pécheurs est celui qui n’accepte pas qu’il l’soit. J’accepte, humblement, ce statut. La question est de savoir ce que j’en ferais. C’est ainsi que je voulais humblement m’excuser pour les atrocités commissent par mes frères et sœurs du passé et que je te fais la promesse de faire ma part pour que cela n’arrive plus.

*Des gens attirés sexuellement par les enfants, c’est-a-dire qu’il n’y a pas forcement de passage à l’acte **Des gens avec le désir profond de tuer et qui jouissent a l’idée de faire souffrir un autre individu ***Biologiquement ou pathologiquement

Auteur : Ange Crespo