Youm - L'Escarmousse Analyse Sociologique Texte + Clip

Écrit le 9 mars 2021

Note aux lecteurs : J’attire votre attention sur le fait que cette analyse, était avant tout destinée à une lecture privée, au moment où je l’ai écrite. C’est la raison pour laquelle le ton y est léger et assez familier. J’ai néanmoins choisi de la conserver telle quelle par soucis de transparence et d’authenticité. De plus, j’aimerais également souligner le fait que cette analyse est la toute première que j’ai réalisé pour Youm, elle faisait donc en quelque sorte office de test, tout était encore ouvert vis à vis du fond et de la forme futurs, en ce qui concerne ce travail.

1) Rappel des objectifs recherchés avec cette analyse:  :

    L’idée ici, c’est de chercher à mettre en évidence le reflet de la société dans le texte puisaussi dans le clip. En identifiant ce qui relève du « social », on va pouvoir mieux comprendre et anticiper comment le message véhiculé par ce texte va être perçu par la société et donc le public.

     Le public qui va être amené à écouter du rap est particulièrement vaste, d’où le fait que aujourd’hui encore c’est un style de musique qui marche bien et qui n’est absolument pas en perte de vitesse. Mais ce public, ce n’est pas des gens qui sont tous pareils, ils ont des points communs entre eux mais aussi des différences.

     C’est pourquoi on va essayer de voir si certains éléments sont susceptibles d’être perçus différemment par différents groupes sociaux. Ces groupes on va les réunir en des catégories assez larges et grossières pour éviter de complexifier inutilement l’analyse.

En gros, pour résumer, on va distinguer ici :

  1. Les mecs / Les meufs.
  2. Les riches / Les classes moyennes / Les prolos.
  3. Les darons / Les jeunes / Les adolescents.
  4. Les citadins / Les banlieusards (dédicace au 77) / Les ruraux.
  5. Les parisiens / Les provinciaux.

     Quant au clip, il rajoute un cadre et une symbolique au texte qui a toute son importance car le public peut être amené à découvrir le son via le clip. Par exemple, si le clip a une symbolique très orientée sur une thématique donnée, le public va surtout retenir du son cette symbolique et associer les deux idées, même si le contenu du texte est plus vaste et plus profond que cette thématique.


     Je pense que le but principal, va ici être de voir si le texte et/ou le clip, s’adressent majoritairement à tel ou tel groupe social spécifique ou au contraire si les références au public vont toucher un grand nombre de gens. ? Plus important encore, à mon sens, est ce que certains éléments risque d’être carrément perçus négativement par certaines personnes ou pas ?

     Je rappelle que bien entendu il ne s’agit en aucun cas d’émettre un jugement ou un avis sur le texte ni de proposer des changements, mais simplement d’anticiper le regard du public sur celui-ci. Ce n’est pas à moi, ni mon rôle, de décider ensuite quoi faire des conclusions et des mises en évidence issues de cette analyse.

     Quant aux tactiques utilisées par les artistes pour fédérer une communauté autour de leur musique, il en existe deux principales :

1. Essayer de parler à tout le monde pour toucher le public le plus large possible.
2. Tenter de s'adresser à un groupe spécifique, parfois en opposition 
avec un autre groupe mais pas forcément non plus, pour créer une communauté 
plus petite mais plus solide. 

     Personnellement, mais ça n’engage que moi bien sur, je pense que les deux stratégies sont pertinentes mais que l’une ou l’autre va parfois l’être plus ou moins en fonction de la thématique abordée et du groupe social visé. Autrement dit, je pense qu’il vaut mieux utiliser l’une ou l’autre en fonction des circonstances et ne pas tout miser sur la même stratégie.

Partie 1 : Le Texte  :

          Yeah Yeah Yeah

          Juste une petite Escarmousse

     La bière, celle qu’on boit entre-deux et avec les potes, ça parle à toutes les catégories sociales (encore plus aux classes moyennes et aux pauvres) et de fait, le public va s’identifier facilement à la symbolique du texte.

     Bien que ce soit une activité masculine à l’origine, elle se démocratise aujourd'hui du côté féminin également et ne devrait pas exclure cette partie du public de cette symbolique.

     Il est intéressant de constater que les meufs ont su se réapproprier les codes masculins de la musique rap pour pouvoir s’identifier quand même aux thématiques récurrentes de ce type de son.

     Elles vont soit faire le lien avec certains de leurs comportements (ici les meufs boivent aussi de l’alcool entre potes donc à la limite même si c’est pas une binouze ça va matcher quand même), soit faire le lien avec des comportements retrouvés dans leurs relations sociales.

     Pour essayer de la faire très simple là-dessus, on peut dire que soit les meufs transforment dans leur imaginaire les codes masculins du rap en des activités féminines pour s’identifier au discours généralement genré qui est émis. Soit que ça va leur donner l'impression de participer à un délire de gars, comme quand elles traînent avec un groupe de mecs, dans la vie de tous les jours.

     L’une ou l’autre de ces options font qu’aujourd'hui, les meufs constituent un important public de la musique rap, y compris en ce qui concerne le rap qui reprend des codes originellement masculins et pas forcément que pour le stéréotype du rap qui va s’adresser à un public féminin.

     Quant à l’escarmouche, cela reste un terme connu de beaucoup et la majorité du public en comprendra le sens. Bien que le public le plus jeune sera peut-être parfois à côté de la plaque, cela reste marginal et il comprendra tout à fait le sens du mot une fois que l’idée générale du texte sera développée petit à petit au cours du son.

     C’est aussi au cours de ce développement que le jeu de mots « escarmousse » prendra tout son sens, à savoir le discours passionné, souvent de contestation, qu’on peut avoir seul ou en groupe, sa bière à la main.

     Laisses moi rapper mes vérités face à leurs mensonges

     Ici, ce qu’on est réellement, face à comment les autres nous voient et nous jugent, c’est un problème qu’on connaît tous et qui parlera à tout le monde, toutes catégories confondues.

     Le fait de se rappeler au public en tant que rappeur, c’est imposer son statut plutôt que d’attendre de le recevoir de la part des autres et notamment de ceux qui ont un pouvoir de jugement dans le monde de la musique.

     Par opposition c’est, en même temps aussi, demander implicitement au public de confirmer ce statut. Cela lui donne l’impression que l’artiste s’adresse directement à lui et donc qu’il joue la carte de la franchise et de la sincérité.

     Cette sincérité, c'est non seulement quelque chose qui peut toucher un large public, mais en plus quelque chose de plutôt recherché dans le rap aujourd'hui.

     Frangin t’as pas idées des fantômes qui me rongent

L’utilisation du terme « frangin » et de la première personne permet d’inclure davantage le public dans ce qui est exprimé et on rejoint ici l’idée développée au-dessus.

Le fait de parler de ses problèmes, c’est se donner une certaine crédibilité dans le fait d’avoir des choses à exprimer et c’est quelque chose qui parlera à nouveau à tout le monde.

Il est quand même important de rappeler que le terme « frangin », tellement vieux en argot, va aujourd’hui parler à toutes les catégories sociales. Le fait qu’il soit employé au masculin ne va pas forcément écarter le public féminin du discours, pour les raisons qu’on a vu au-dessus.

     J’ai connu des montagnes de soucis aussi hautes que l’Everest

     Ici, on rejoint l’idée précédente et l’Everest, il est évident que tout le monde va visualiser ce que c’est.

     Avec le temps j’ai aussi appris que les erreurs restent

Alors ici « avec le temps », ça fait référence à l’expérience acquise avec l’âge et en dehors du fait de montrer une crédibilité, c’est aussi se mettre en opposition avec les gens jeunes.

Comme il y a des rappeurs de plus en plus jeunes aujourd’hui, c’est se distinguer et ça peut séduire un public âgé (j'entends par là plus âgé que des ados) qui a tendance à se retrouver confronter à de la musique qui cherche à séduire le public adolescent.

Quant au fait de faire des erreurs et d’en payer les conséquences, ça parle à tout le monde, qu’on l’assume ou pas on est tous faillible.

     Et oui j’ai fais de la merde ça je l’avoue

Ici, on retrouve à fond la notion de sincérité et, comme on l’a vu, c’est clair que ça plaît au public qui écoute du rap aujourd’hui, de manière assez générale.

     Mais qu’ils aillent se faire mettre s’ils veulent que j’la boucle

Là, c’est une attaque directe à ceux qui ont un pouvoir de jugement dans le monde de la musique. Le public de notre époque est fan des artistes au parcours indépendant et il peut être séduit par cette mise en confrontation explicite.

     J’te l’dis, moi, jn’ai aucune confiance en ces types

La confrontation entre l’artiste en tant qu’individu et ceux qui le jugent, est encore renforcée ici et on rejoint l’idée du dessus.

Le fait de préciser « ces types » exclu le regard du public de ce jugement et de cette mise en opposition. À mon sens c'est un élément important car cela va créer un sentiment de fédération, de « team », entre l'artiste et le public face à ces individus dans le milieu.

Youm accorde ici sa confiance dans le public pour qu’il le rejoigne dans sa team face à ceux qu’il confronte. L’utilisation du terme de confiance est d’ailleurs présente ici et c’est quelque chose que tout le monde recherche dans la vie, la confiance, donc le public devrait se retrouver dans ce discours.

     Depuis que leur jeu j’ai compris, je ne crois qu’en mon équipe

On retrouve ici l’idée du dessus, mais l’utilisation de « mon équipe » va expliciter encore davantage ce que l’artiste propose à son public.

Le « jeu », bien qu’il fait ici référence à une situation précise, peut être identifier comme le système en général par le public et vu la défiance qu’il y a envers lui à notre époque, surtout chez les jeunes et les pauvres, c’est un élément dans lequel les gens vont se retrouver.

Tout le monde est confronté à ce jeu, notamment dans la vie professionnelle et beaucoup de gens aujourd’hui ont envie de se détourner de ces règles.

     Et ça fait juger mes frères à ce qu’il y a dans leurs poches

Ici, on retrouve la notion de jugement qu’on a déjà développé plus haut.

Quant à la money, c’est ce qui fait tourner le « jeu » qu’on vient d’aborder et on retrouve donc l’idée de fédérer le public grâce à la défiance qu’il a envers le système.

     Moi Je fuck votre succès, j’sais ce qui se passe dans vos loges

La notion de succès, comme celle de l’argent qu’on a vu au-dessus, renvoie à nouveau au système. C’est la reconnaissance de celui-ci, un aboutissement, le fait d’avoir gagné le « jeu ».

Donc ici aussi, le public devrait être fédéré autour de cette idée de contestation des règles et ce qui se passe dans les loges renvoie aux dessous de ce succès, à comment le système marche et c’est dans ça que les gens vont se retrouver.

     J’ai kické avec le cœur sans prétendre avoir de mission

On retourne à nouveau dans le registre de la sincérité, le « cœur » relevant de l’intime et donc de ce qu’il y a de véritable dans la personnalité de quelqu’un et ça, normalement, tout le monde le verra de la même façon.

Avec l’utilisation du verbe « kicker », l’artiste rentre dans le registre du sport et du football notamment. Le public ne devrait pas être laissé de côté ici car cette culture est proche de la culture rap en France.

Ce verbe fait aussi référence au coup de pied, à la tentative de marquer ou d’attaquer son adversaire. C’est un moyen de montrer au public que malgré l’échec, il y a bien eu un essai, une tentative et donc se distinguer de ceux qui n’ont pas les couilles d’essayer. C’est un moyen d’acquérir de l’assurance et de la crédibilité aux yeux du public.

Ne pas avoir de mission, c’est rapper pour rapper, par passion et non pour remplir un objectif et on rejoint encore le registre de la sincérité. C’est aussi montrer qu’on a de l’assurance, qu’on dit ce qu’on veut et pas ce que les autres veulent qu’on dise et ça c'est un peu ce que le public qui écoute du rap demande aujourd'hui, comme on l’a vu plus haut.

     De te killer j’aurais pas peur si tu touches un de mes reufs bouffon

Ici, c’est à nouveau la team qui est mise en avant, pour fédérer le public encore une fois. Le registre employé ici, celui de la confrontation est un classique, ça fait partie des codes de la musique rap auquel le public est habitué.

Ce que le public demande aux artistes est subtil, c’est à la fois retrouver ses repères avec ces codes et ces normes de la musique, tout en demandant à ce qu’ils soient utilisés par l’artiste avec originalité, nouveauté et modernité.

     La sincérité marche pas, on ferme la porte aux gars comme moi

Là, l’artiste ajoute à la sincérité, la dimension de l’échec personnel, tout en maintenant le parallèle avec l’idée développée sur le système, ici c’est le « on », en le désignant comme responsable de cet échec.

Si avouer son ou ses échecs renforce bien entendu le sentiment de sincérité envers le public, c’est aussi choisir de se montrer, au moins en partie, en position de faiblesse et d’assumer cette position. C’est très important car il y a une part de faible et de fort en chacun de nous et donc en chaque personne qui écoutera le son.

Le public va donc bien plus facilement pouvoir s'identifier à quelqu'un qui a ses forces et ses faiblesses, qu'en quelqu'un qui se montre en permanence en position de force. Montrer ses faiblesses, c'est avoir l'air plus vrai et donc plus crédible.

C'est aussi jouer avec la norme de l'ego-trip, très présent dans la musique rap et donc apporter de l'originalité et de la nouveauté dans sa performance. Le code n'est pas ici abandonné ou renversé totalement pour autant, car paradoxalement, assumer ses faiblesses demande de la force et donc c'est bel et bien une position de force que le public retiendra de l'artiste au final.

L’assurance et la crédibilité, importantes aux yeux du public, sont aussi maintenues grâce à la désignation d’un facteur extérieur, d’une fatalité, à l’origine de l’échec. Ce n’est pas l’artiste qui est responsable de son échec, mais le fonctionnement du système et avec ça c'est un public très large que l'artiste va toucher.

Tout le monde connaît des échecs, c’est dur pour beaucoup et pour un grand nombre c’est surtout le fonctionnement cruel et injuste de la société qui en est responsable, plus que les décisions personnelles.

     Mais j’ai vue l’hypocrisie, les clichés, dans vos open mic

On retrouve ici la contestation du système, du monde de la musique, plus explicitement qu’au dessus.

La mention « open mic » est une référence classique dans le monde du rap et tout consommateur régulier de cette musique devrait saisir la référence sans problème.

     J’suis resté vrai, j’espère personne ne l’oubliera

Ici l’artiste ne fait qu’expliciter ce qu’il disait implicitement plus haut. Il se définit comme sincère, en opposition avec ceux qui ne le sont pas et demande clairement au public de le prendre en considération.

S’adresser aussi explicitement au public, sans considérer par défaut que le public ira dans le sens de l’artiste, ici le « j’espère », est audacieux et donnera au public l'assurance qu'il réclame de la part de l'artiste.

     Toute façon ces bâtards me représentent autant que Taubira

On reste ici dans la défiance et la contestation du système, tout en continuant à assumer la positionner de faiblesse dont on vient de parler. Être critiqué et moqué par les autres en l’occurrence.

La comparaison avec Christiane Taubira est un parti-pris assez fort qui parlera à une majorité du public car c’est une personnalité connue et les critiques qu’elle a subit ont fait l’actualité il n’y a encore pas si longtemps.

Néanmoins, une partie du public est quand même sûrement à la ramasse sur le personnage même si il est connu de nom (en particulier le public adolescent, la référence date un peu pour eux, le public pauvre et les ruraux, parfois un peu éloignés de l'actualité politique) et ne va donc pas saisir toute la référence ici.

En revanche, faire le choix de se comparer à cette personnalité en particulier, va être particulièrement inclusif pour le public féminin. L’artiste, qui est un homme et se comparant ici à une femme, peut être vu comme une invitation au public féminin de faire de même en retour. Ça veut dire, regardez même si je suis un mec, vous pouvez quand même vous retrouvez dans ce que je dis.

     J’ai une vie de foncedé, j’vais p’têtre finir comme Murphy Brittany

Ici, « une vie de foncedé », renvoie de nouveau à la notion d’échec, car dans la société le cliché veut qu’une vie d’échec conduise à la consommation excessive de drogues et vice versa, qu’une surconsommation de drogues conduise à l’échec.

Foncedé c'est aussi un terme que tout le monde connaît aujourd'hui et le fait de consommer des stups, notamment du cannabis, est quelque chose de très répandu dans la société aujourd’hui, notamment chez les consommateurs de rap. C'est donc une activité auquelle une bonne partie de la population pourra s'identifier (y compris chez le public le plus vieux) directement et même indirectement tant c’est surreprésenté dans l’imaginaire collectif.

En ce qui concerne la référence à Britanny Murphy (morte en raison notamment d’une consommation excessive de médicaments), c’est une chanteuse et actrice américaine assez connue, donc à priori le public devrait s'y retrouver dans l'ensemble, même si tous ne vont pas saisir la référence.

L'artiste séduit à nouveau le public féminin ici en se référant de nouveau à une femme, une blanche en plus de surcroît (certaines personnes pouvant voir dans la comparaison avec Christiane Taubira surtout le fait que c’est une personne de couleur alors qu’ici cette association n’est plus possible), selon le même principe que celui qu’on a développé juste au-dessus.

     J’me gave de Marvel, porno et de comédies britanniques

Les références à Marvel, à la pornographie et aux comédies britanniques vont être saisies par tout le monde. Quoique la dernière est peut-être un peu plus subtile et encore.

Marvel, c'est la culture de masse, tout le monde comprend le message. La pornographie c'est surtout une dédicace au public masculin, mais bon les femmes en deviennent également de grandes consommatrices aujourd'hui et les comédies britanniques ça va particulièrement toucher les publics les plus âgés souvent oubliés par le rap d'aujourd'hui.

L’idée c’est ici de montrer l’échec à travers la déchéance, Marvel c’est le truc facile, tout cuit, que tout le monde regarde. La pornographie c’est l’inverse d’arriver à pécho et c’est un peu l’activité honteuse qu’on préfère en temps normal ne pas étaler et les comédies britanniques c’est vu comme quelque chose, soit de niais (les comédies romantiques), soit de très burlesque, qui ne va pas chercher bien haut (genre Mister Bean).

Dans tous les cas il s’agit de regarder quelque chose, donc on fait ici référence à une activité passive, l’attitude de quelqu’un confronté à son échec. Il s’agit, comme on l’a vu plus haut, de se montrer dans une position de faiblesse mais de s’assumer et donc de montrer une certaine assurance. Pour le public, ici la force de l’artiste ça ne va pas être de séduire pleins de belles femmes, mais d’assumer qu’au lieu de ça il matte du porno, par exemple et pour caricaturer un peu.

     Fermes ta gueule, ouais, et puis suces mon style

On retrouve ici le registre de la confrontation face aux autres, à ceux en dehors de la team, ceux du système et qui jugent injustement. L’assurance de l’artiste, que le public réclame, est exprimée en renouant avec le code de l’ego-trip.

     La vérité sort pas de la bouche des gosses mais d’celle de Youm Gotil

Ici, le proverbe, tout le monde le connaît et on retrouve le registre de la sincérité. Une certaine profondeur est apportée à celle-ci grâce au nom, qui ajoute ici une dimension intime à cette sincérité. Il s’agit à la fois d’inclure encore plus le public et de se distinguer des artistes qui joue à fond la carte du mystère et du pseudo.

     D’ailleurs, j’suis pas le meilleur, ouais faut pas se leurrer

Il s’agit à nouveau d’avoir l’air vrai et de s’assumer en temps qu’individu faillible aux yeux du public. On joue avec le code de l’ego-trip, montrer ses faiblesses pour avoir l’air plus fort et montrer qu’on a pas peur de se juger soi-même, de se regarder en face.

Ce code est presque mentionné ici et pour le public ça signifie presque, je vaux mieux que les autres parce que moi au moins j’assume qu’en vérité je ne pas meilleur que les autres.

     Mais j’vais reprendre ma place comme Pastore

C’est à nouveau l’assurance qui est mise en avant ici, on montre au public qu’on est pas un perdant et qu’on est capable de revenir.

C’est donc une référence sportive qu’on donne ici au public avec le footballeur Javier Pastore, référence globalement saisissable car les gens écoutant du rap sont souvent aussi des amateurs de sport, notamment de football. Les meufs, bien que cette culture se démocratise chez elle aussi, seront un peu à l'écart de cette référence néanmoins.

     J’en fais pas trop, yeah, ma technique est simple

L’artiste ajoute à la notion de sincérité, la notion de simplicité et les gens vont se retrouver globalement là-dedans car pour eux ce sera synonyme d’authenticité. Pour le dire autrement, plus c’est simple, plus ça a de chance d’être honnête et non trafiqué.

C’est aussi s’opposer à nouveau à ceux qui ont du pouvoir dans le game et qui en font des tonnes pour occuper le terrain.

     J’aime rapper, ouais, mais ce que j’préfère c’est tâter des seins

Ici, en dehors du fait que l’artiste s’autoproclame à nouveau rappeur, de manière à inciter son public à confirmer ce statut. Il développe également la notion de l’échec personnel qu’on a déjà traité plus haut.

Comme on l’a vu, mater du porno allait être considéré comme un aveu d’échec pour le public, car pour lui, c’est en quelque sorte l’inverse du succès sur le plan sexuel, activité du gagnant mise en opposition ici avec l’activité du perdant.

On est ici dans le prolongement de cette idée, c’est le moment où l’artiste reconnaît qu’en effet il préférerait bien baiser avec des femmes et pour le public cela rentrera à nouveau dans le registre de montrer que sa force c’est d’assumer ses faiblesses pour mieux gagner en crédibilité.

Si cette thématique n'exclue pas pour autant le public féminin, car cela fait partie des codes de la musique notamment, il est évident qu'elle touchera en priorité un public masculin.

     Eux, ce qu’ils ont c’est qu’du style, leurs textes, leur rap, leurs clips c’est rien que du style

On retrouve ici notre confrontation avec les leaders du système et plus précisément ici, du monde de la musique et du rap en particulier. En dehors du caractère explicite de la mise en confrontation de l’artiste avec le milieu qu’il attaque, les différents éléments de la musique sont ici décomposés, comme pour inciter le public à lui-même effectuer la comparaison, en lui donnant une sorte de méthodologie.

La réaction du public sera ici naturellement de renforcer son attention sur le contenu du texte et l’esthétique du clip. C'est inclusif pour le public car cela va l’inciter à se sentir dans la même équipe que l’artiste.

     Ces MC font les thugs après une GaV

Si il est évident qu’on continue ici dans ce registre de la confrontation directe avec ceux qui font tourner le système dans le monde du rap. Un double sens, une double critique, peut y être saisie par le public.

Ceux qui sont visés par la critique semblent souffrir d’une double dégénérescence. Déjà l’artiste questionne son public sur la pertinence d’une telle stratégie de communication. Cela amène le public à se demander, est-ce que jouer au / être un thug fait de vous un bon rappeur ? Et ça c'est tout à fait quelque chose qui peut séduire le public des classes moyennes et aisées, consommateur de rap mais plus rarement du mauvais côté de la loi.

De plus, la phrase est tournée d’une manière à faire ici une deuxième critique. L’artiste sous-entend également que ce qui fait un bon / un vrai thug c’est justement de ne pas se faire choper et donc de ne justement pas finir en garde à vue. Cette fois c'est plutôt le public des classes populaires qui peut être séduit, plus susceptible d'être réceptif à ce rapport conflictuel avec les forces de l'ordre.

En fonction de son statut social, le public va ici se poser des questions du genre mais oui c’est justement de pas finir en GaV qui va faire la crédibilité d’un thug et puis est-ce que c’est ce qui va faire de toi un bon rappeur d’ailleurs ? Ce double sens permet de séduire l'ensemble des publics ici.

Quant aux références « MC » et « GaV », ce sont des classiques que le public est tout à fait à même de saisir en très grande majorité.

     Mec, le rap déconne grave comme ma machine à laver

On continue dans la critique du monde du rap, du système en général pour le public, de manière directe et explicite. La comparaison avec la machine à laver, permet de démystifier ce dont l’artiste parle, grâce à une référence à un appareil électroménager du quotidien que tout le monde visualise.

     Moi, j’ai maté du porno, écouté du Action Bronson

La référence au porno réapparaît à nouveau, pour accentuer ses effets, ceux que nous avons déjà traités.

Action Bronson est un rappeur américain, pas le plus connu et le plus écouté en France aujourd’hui, donc une partie du public ne saisira peut-être pas ici la référence. Il a été impliqué dans quelques polémiques vis à vis de la manière dont il parle des femmes mais rien de particulièrement significatif pour un rappeur non plus donc le public ne devrait pas globalement y faire de rapprochement.

     J’ai peu évolué, sérieux s’rait temps que mon rap cartonne

On retrouve ici la thématique de l’échec, plus explicitement pour ce qui est de la carrière en temps que rappeur de l’artiste, une façon de renforcer le sentiment de sincérité que le texte procure au public.

C’est presque une demande faite au public de faire décoller cette carrière, une telle honnêteté dans le discours que l’artiste entretiens avec son public touchera particulièrement toute personne dans la même situation d’échec social, soit la majorité de la population notamment au sein des classes moyennes et populaires.

     Que je change de vie et puis que j’lâche la tise

Il s’agit ici d’un rappel de la même idée que celle développée quand l’artiste disait « j’ai une vie de foncedé » et que nous avons déjà traité.

La différence ici, est dans le fait qu’on passe du constat, à la volonté de rebondir et de s’en extraire. On rejoint la thématique de l’assurance mais on y ajoute un discours de motivation, une manière pour l’artiste d’inciter son public à le suivre dans sa démarche de persévérance et ainsi de le fédérer, de renforcer le sentiment de team entre lui et son public.

Quant à la « tise », c’est un mot d’argot connu que le public saisira en grande majorité. Bien qu’il fasse généralement référence à l’alcool, on peut en tirer exactement les mêmes conclusions que pour la consommation de drogue, quand on l’avait traité au-dessus. Les mêmes clichés et phénomènes sociaux sont globalement en jeu ici à propos de ces deux questions.

     J’ai plus la TV, ça tombe bien parce que les news me les brisent

Quand l’artiste dit à son public qu’il a plus la télévision, c’est pour mieux signifier sa marginalisation, sa mise à l’écart de la société. Cela peut être vu à la fois comme quelque chose de négatif et comme quelque chose de positif en fonction des circonstances et c’est ce que l’artiste rappelle avec la mention « ça tombe bien ».

Ici, la télévision ou la « TV », représente la connexion avec la société. C’est que beaucoup de gens regarde, souvent la même chose et au même moment d’ailleurs. Qu’on regarde ou pas la télévision, on a tous cette symbolique en tête et le public y sera réceptif.

Les news ou les informations sont souvent désignées pour symboliser le programme austère et déprimant, qu’en même temps beaucoup de gens regardent. En ces temps de crise sociale, économique et même sanitaire, l'ensemble du public sera réceptif à cette symbolique, en particulier les classes moyennes et populaires.

     J’suis un roi avec une couronne rouillée

Ici, la symbolique du roi avec sa couronne sur la tête ça parlera à tout le monde, aucun doute là dessus.

Elle est utilisée pour mettre en évidence le contraste entre ce que l’artiste aimerait être, un roi ou quelqu’un en position de force qui a réussit et ce qu’il est réellement, un roi avec une couronne rouillée, un roi raté , un roi sans pouvoir.

     Je donnerais plus ma confiance de peur de me faire couiller

L’expression « se faire couiller » parlera à tout le monde. L’artiste cherche ici à montrer son amertume et la rage qui l’anime, notamment en s’exprimant selon une généralité alors qu’au fond le public a compris jusqu’ici, que c’est justement une relation de confiance que l’artiste recherche avec celui-ci.

C’est plus donner sa confiance en des acteurs insérer dans le système, susceptible de le devancer voir de l’arnaquer, auquel l’artiste souhaite renoncer ici. Il est bien plus dur d’être trahi par son public.

     Il me faut une belle go, des buffets avec du homard

Que ce soit la belle go ou les buffets avec du homard, l’artiste fait ici référence à la réussite sociale. On a bien vu, quand on a parlé de la mise en opposition entre le porno et le fait de pécho des nanas, que la « belle go » symbolisait le succès et la reconnaissance, dont l’artiste estime manquer ici.

Il en va de même avec les buffets avec du homard, symbolisant la richesse financière, le buffet étant un repas somptueux et le homard un produit de luxe. Il s'agit à nouveau de références que l'ensemble du public comprendra sans problème.

     De grands shows et puis les ventes de Kendrick Lamar

On reste dans la même idée ici, tout en recentrant la symbolique autour du monde du rap. La réussite sociale se manifeste donc, pour le coup, avec des éléments propres au succès d’un musicien, d’un rappeur.

Les grands shows sont des concerts que seul un rappeur célèbre pourra organiser et les ventes de Kendrick Lamar, un célèbre rappeur américain justement, sont des ventes que seuls les plus grands peuvent générer.

Ce dernier étant très connu du public, rares sont ceux qui ne saisiront pas la référence ici, surtout qu’on a affaire à des consommateurs de rap.

     Nan faudrait peut-être que j’aille bosser et puis que je ferme ma gueule

Le rêve n’aura pas duré longtemps et l’artiste effectue ici un retour cruel à la réalité. C’est une manière d’emmener son public avec lui, pour renforcer le sentiment de cohésion, autour de cette rage et de ce sentiment d’amertume.

Le fait d’aller bosser est ici mis en opposition avec le fait de rapper. Non seulement on retrouve ici la notion d’échec personnel, le fait de rapper étant aussi un moyen d’éviter de devenir quelqu’un sans histoire, quelqu’un comme tout le monde, auquel la société dans son ensemble ne fera guère attention.

Mais cette opposition est aussi celle classique, auquel tout le public pourra se référer, entre ce que l’on aimerait faire dans la vie et ce que l’on se retrouve à devoir faire au final pour survivre.

     J’suis moins proche du Fouquet’s que d’aller bosser à LIDL

On reste dans la même thématique ici, sur celle de l’échec personnel symbolisé par le travail, où le Fouquet’s représente la vie d’opulence liée au succès, ici celui du rappeur renommé, et où le LIDL représente le petit boulot qu’on fait pour survivre car on a malheureusement rien trouvé de mieux.

Le Fouquet’s est un célèbre restaurant gastronomique parisien, bien qu'il soit très connu, c'est une référence qui parlera sûrement davantage aux populations aisées et aussi aux parisiens, car il est sûrement moins connu en dehors de la région parisienne.

Le LIDL, marque ici une opposition directe, car si c’est aussi un endroit où l’on va se procurer à manger, on est ici plus du tout dans le grand luxe, bien au contraire. C’est la chaîne la plus connue de supermarché discount en France et cette enseigne parlera à tout le monde c'est certain. Néanmoins, il est évident que le public le plus pauvre, qui doit aller y faire ses courses faute d'argent, se sentira davantage concerné par cette référence auquel il pourra s'identifier de façon plus personnelle.

     En marge d’la société comme un SDF

Ici, l’artiste confirme son statut d’individu marginalisé dans la société, il le dit même explicitement. La comparaison avec un SDF, individu mis à l’écart par excellence, est particulièrement forte.

Le sentiment de cohésion entre l’artiste et son public est intense ici, car le public peut voir ceci comme une dédicace à tous ceux également marginalisés, d’une façon ou d’une autre, dans la société. Inutile de préciser que tout le monde saisira ici la référence, mais que les plus pauvres se sentiront davantage concernés par cette dédicace, par rapport aux plus riches.

     De ces gars qu’ont la dalle mais à qui on laisse des restes

Le registre est le même que juste au-dessus, à la différence prêt que l’on désigne ici un coupable de cette misère. C’est le « on » et il désigne pour le coup à la fois, les individus que l’artiste a attaqué et critiqué dans son texte, mais aussi le système en général.

Les premiers concernent l’artiste lui-même dans sa misère et l’autre concerne, cette fois ci, l’ensemble du public qui pourra être amené ici à faire le parallèle avec sa propre vie.

L’échec social est ici représenté avec l’image forte et symbolique de la faim, celle du pauvre qui n’a pas de quoi se payer à manger et tout le monde est amené à en saisir le sens ici, bien qu'une fois de plus les riches se sentiront moins concernés.

     Ouais sérieux, marre de voir les miens sur la paille

L’artiste conclu ici toujours sur la même thématique, mais remplace la faim par les mauvaises conditions de vie. La paille étant la matière sur laquelle dormaient les pauvres qui n’avaient pas de quoi se payer un lit auparavant. On retrouve donc ici un peu la même idée qu’avec le SDF.

C'est une référence que l'ensemble du public pourra saisir mais qui touchera, en toute logique, majoritairement les populations pauvres.

Ajouter « les miens » est une manière de renforcer le sentiment de cohésion avec le public, grâce à l’ajout d’une dimension personnelle, intime, faisant référence implicitement à la famille. C'est également quelque chose qui parlera à tout le monde.

     J’ai trop galéré, maintenant comme Dandy “faut qu’ça graille”

L’artiste clôture son texte sur une note un peu plus positive, en retournant sur le registre de la motivation, sur l’idée de rebondir. En effet, « j’ai trop galéré, maintenant », ça sous-entend pour le public que cela relève du passé et que maintenant, en se sortant les doigts du cul, les choses peuvent aller mieux.

C’est une nouvelle fois, pour le public, une invitation à accompagner l’artiste dans son entreprise, que ce soit en relevant les défis de leur vie personnelle ou en rejoignant l’artiste dans sa team et donc le soutenir.

Le registre de la faim est réutiliser pour symboliser l’échec social, le verbe grailler signifiant manger et donc ici « faut qu’on mange ». C'est une référence qui, comme les dernières, parlera à tout le monde et notamment aux plus pauvres, en priorité.

Quant à Dandy, il s’agit d’une référence à Dandyguel et notamment ici à son titre « Ça graille ». Assez peu connu, une partie du public passera à côté de la référence, néanmoins il saisira sûrement, pour ceux qui creuseront un peu, la similitude et donc la comparaison, entre les deux artistes, tous les deux peu connus.

     Sérieux ouais, marre de voir les miens sur la paille J’ai trop galéré, maintenant comme Dandy “faut qu’ça graille”

Note : La chanteuse et actrice américaine Brittany Murphy, joue le rôle de la « go » d’Eminem dans le film 8 Mile, qui est d’ailleurs un biopic sur le célèbre rappeur américain. Ceci ajoute un certain poids à la référence pour toute personne ayant vu le film.

Partie 2 : Le Clip  :

                  A. La symbolique générale du clip :

> Le cadre, les lieux, le décor :

Le clip a été tourné Rue du Moulin à Cailloux, à Esmans, proche de la route départementale 606 et des communes de Cannes-Ecluse et Montereau-Fault-Yonne. Le plan principale est tourné au bout de la rue, là où débute les champs et les autres plans, juste avant, dans la rue au niveau des maisons.

J’ai reconnu l’endroit grâce à différents éléments de l’arrière-plan, comme le château d’eau du centre commercial de Varennes-Sur-Seine, le silo à grains sur les bords de l’Yonne et surtout la colline de Surville, colline avec une cité dessus (enfin plus que quelques tours parce que les autres ont été démolies), assez iconique dans le Sud 77.

On peut aussi distinguer dans cet arrière-plan, la ligne ferroviaire, autre élément emblématique de la banlieue parisienne. Il s’agit ici du prolongement, TER Bourgogne-Franche-Comté entre les gares de Montereau et Laroche-Migennes, de la ligne R (desservant l’extrémité Sud-Est de l’agglomération parisienne), elle-même étant une sorte de prolongement du RER D dont le service s’arrête en gare de Melun.

J’ai fais deux schémas en annexe pour mettre en évidence tous ces différents éléments d’identification.

Si le lieu précis où a été tourné le clip ne parlera à personne (il faut vraiment avoir vécu dans le Sud 77 et aimer s'amuser à faire attention à ce genre de détails pour identifier le lieu), certains éléments du décor vont être associés à une zone rurale ou péri-urbaine (c'est à dire une banlieue pavillonnaire) par le public.

En effet, le plan principal au bord des champs et le style des maisons de la rue sont des éléments renvoyant à l’une ou l’autre de ces zones dans l’imaginaire collectif. Le style des maisons est assez caractéristique de la banlieue parisienne, ça échappera sûrement au public, mais en revanche pas le côté zone péri-urbaine, lotissement, qui lui se remarque assez bien. Avec les champs, on est plutôt à la campagne dans la tête du public et même si on voit bien qu’on est pas en rase campagne grâce à l’arrière-plan lointain du clip, faut vraiment y faire attention dans le détail et je doute que c’est ce que le public fera.

Le cadre du clip parlera donc majoritairement aux banlieusards et aux ruraux et moins aux urbains. Mais les banlieusards qui se sentiront les plus concernés ici, sont plutôt ceux des banlieues éloignées de Paris ou d'autres villes de province, ceux des classes moyennes, qui vivent dans ce type de lotissements. On est pas vraiment dans une esthétique ghetto avec ce décor là.

> Les individus :

Si les individus présents à l’image n’ont rien de particulier aux yeux du public en soit, certains éléments entreront sûrement en ligne de compte quand même, de manière subtile et en toile de fond.

Déjà, le fait qu’on distingue trois personnes rejoins l’idée du groupe de potes, de la bande, des « frères », de la team. C’est important parce qu’on a vu que dans son texte, l’artiste essayait de provoquer chez son public ce sentiment, pour créer de la cohésion avec celui-ci. Le public sera donc ici plongé dans une esthétique qui fera écho à cette invitation de l'artiste à le rejoindre dans son équipe.

Ensuite, le fait que les deux collègues de Youm sont blancs dans le clip, cela ajoute une sorte de sentiment de mixité sociale et pour l’artiste, cela aide à ce qu'un public de tous les milieux différents puissent s'identifier à son discours. La présence d’individus exclusivement masculins à l’image, si elle ne va certes pas particulièrement inclure le public féminin dans l’esthétique du clip, ne va pas l'exclure pour autant car c'est cohérent avec d'autres idées mises en avant dans le texte et que nous avons déjà développés.

> Les objets et l'image :

La présence de certains éléments, comme le vieux poste de radio faisant aussi lecteur CD, le magazine Marvel que l’artiste fait mine de lire dans le clip, la vieille baignoire réutilisée et le fait que le clip est filmé en noir et blanc, apportent une dimension rétro et cheap au clip.

Le côté rétro, en dehors d’apporter une touche d’originalité au clip et donc son esthétique en quelque sorte, ne va pas spécialement être connoté d'une quelconque façon pour le public. En revanche, le côté cheap rejoint complètement le discours que l'artiste développe dans son texte, notamment quand il parle de l'échec et de la misère. On peut noter que l'idée de la baignoire est hyper originale et que le public n'y sera sûrement pas insensible.

                  B. L’intro :

     Le son à fond là

     Met du son

     Ça marche ap’

La première partie de l’intro, celle où le collègue de Youm n’arrive pas à mettre du son, fait particulièrement écho à la question de l’échec personnel que l’artiste développe dans son texte.

C’est une métaphore symbolisant le fait d’essayer de se lancer dans la musique sans succès jusqu’ici. Le public est donc tout de suite guidé sur une des thématiques centrales du texte, si ce n'est la plus importante même et il ne sera donc pas du tout à côté de la plaque sur ce coup là, bien au contraire.

La première bière mondiale Ce jeu de mots, associant la bière et la guerre, est complètement dans la même idée que celui du titre « l’escarmousse ». Il le complète donc et ce qu’on avait développé pour « l’escarmousse » est tout autant valable ici. Le public est donc, avec ce jeu de mots, en phase avec le texte.

                  C. L’outro :

Rien de particulier à dire pour cette conclusion du clip en dehors du fait que la bière est servi à l’artiste, par ses collègues, selon les codes d’un grand restaurant. Le seau et le verre de champagne sont ici des éléments qui évoquent la façon dont on sert une boisson de luxe dans le milieu.

Cette symbolique est donc utilisée ici pour créer un contraste entre ce qui est bu, à savoir de la bière assez classique de la marque « Leffe » et comment elle est bu, comme ci c’était du champagne ou un grand vin. Cela représente le contraste entre la situation d’échec social de l’artiste et ce à quoi il aspirait, c’est à dire le succès, idées qu’il développe dans son texte.

Le public devrait saisir, en majorité, cette association.

Note : On peut noter que les cannettes de 50cl de bière, qui sont bues dans le clip, sont de la marque « 8.6 ». Cette marque de bière, très abordable financièrement, est souvent associée aux pauvres, aux gens « cheap », voir même aux SDF, dans l’imaginaire collectif.

Aujourd’hui encore ce sont les clichés autour de cette marque de bière, bien que son prix augmente, que son design change et qu’elle se démocratise dans beaucoup de milieux sociaux.

C’est tout à fait en adéquation avec le reste de la symbolique du clip, celle autour de la notion d’échec social développée par l’auteur dans son texte. Notamment lorsque celui-ci se compare à un SDF par exemple.

Si tout ceci est évident pour le public, il faut néanmoins regarder le clip dans le détail pour faire attention à la marque des bières et de fait, peu de gens feront attention à cette référence.

Annexes :

Lieu Clip Escarmousse

Lieu Clip Escarmousse

Auteur : Thomas Kalensky

Autres articles :